« La peinture n’est que la recherche des souvenirs de Dieu
Dans le but de voir l’univers tel qu’il le voit »
Orhan Pamuk
Terres d’ocre
Elles disent les maturations
les cycles et les heures
Elles disent l’invisible
L’ocre convient aux dieux
Les derniers rais d’un soleil qui décline
attisent la braise du mélèze
Ocres de l’automne
Flamboiement aux frondaisons de septembre finissant
Labours en robe de bure
qu’encense un vol fuliginieux de passereaux
J’aimerais mon âme en un jardin d’automne
Senteurs de tourbe de fougères
Rouissent les châtaigniers
et si le cor prolonge sa longue antienne vespérale
que lui fassent répons le brâme profond du cerf
Ocres Cuivres
Cuivres de l’orient Désert d’orient
Dunes brunes Lèvres afghanes
Ciels fauves à la crinière de lion
S’exhalent des arômes cannelle
des épices musquées
Cuirs des harnais Rumeurs de caravanes
Cuivre
couverte de cuivre sur l’émail des lacs
cuivre sans éclat
quand la lune fomente la neige
Folle chevelure de lune
Névrose de la lune
à la morte saison des bruyères gelées
quand hurle l’hiver brûleur de loups
L’ocre convient aux dieux
Il y a toute cette chamoiserie
de reflets roux à l’ados de la vague :
ambres et feuilles mortes
robe de daine corsage de bouvreuil
fuite d’un écureuil éclat dans l’épicéa
Il y a des abeilles nimbées d’une lumière de miel
à l’odeur brune - ivre un peu - de réglisse
de malt et de muscat
Il y a les sables
couchés comme en lit de roses
que le crépuscule aurait lissé
J’aime ces sables de Loire
ces javeaux passés par le tamis des soleils couchants
Méditent dans le soir des violoncelles
Et puis faites lointaine souvenance
Rappelez-vous le poitrail de l’auroch
au flanc de la caverne
avec ce bison que le dessin enfante dans l’orbe du solstice
Vêtu d’ours
le chaman dansait les flammes rauques du feu
De rouge et de noir
d’ombre et de lumière
l’ocre convient au dieu
mais la Sybille de Cumes interroge la rose
et septembre déjà rabote les feux du jour
Fragiles d’incertitude
les villages de la nuit campagnarde
veilleront
tapis dans la fourrure
de leurs rousseurs blafardes
Marcel Maillet