FUKUSHIMA
(Sonate pour une île défunte)
Quand plane sur le monde
Une étrange musique,
Sous des nuées tragiques,
Pleure la nuit profonde ;
Des sonates s’envolent
Suppliantes et brunes,
Puis vont sans clair de lune,
Muettes en paroles
La sombre mélodie
S’enroule peu à peu
Comme une psalmodie
Dans les arbres lépreux
Sillons cicatriciels
Qui exsudent au soir
L’onde d’un psaume noir
Au noyau démentiel,
Migrations atomiques,
Les sonates s’envolent
Déclinent et se désolent,
Notes métastatiques
La sombre mélodie
S’enroule peu à peu
Comme une psalmodie
Dans les arbres lépreux
Fissurées de chimères,
Pénombres de velours
Mitées au bout des jours
De leurs larmes amères :
Les sonates s’envolent,
Suppliantes et brunes
Ayant perdu la lune,
Funèbres fumerolles
La sombre mélodie
S’enroule peu à peu
Comme une psalmodie
Dans les arbres lépreux
L’ombre prend la forêt
Accrochée à la brume
En bémols d’amertume,
Et retient au secret
L’âme du musicien
Virtuose ou magique
En airs cacophoniques,
Lunaire, il se souvient
La sombre mélodie
S’alourdit peu à peu
Dans sa ronde de nuit
Aux feuillages lépreux…
Irradiée pour la vie,
Dans ses attractions folles,
D’épouvante s’étiole
La pauvre mélodie…
Marie-Jo THABUIS